A écouter le patient, les familles ou l’entourage on est souvent surpris
d’entendre « il fait des progrès » alors que le kinésithérapeute a
bien souvent l’impression qu’il n’y a aucun progrès au niveau de la motricité. A
travers les quatre types d’évolution motrices décrits par Sultana et Mesure essayons
maintenant de dégager les différents progrès rencontrés.
II.2.1 Progrès Neurobiologiques
II.2.1 Progrès Neurobiologiques
Progrès neurobilogiques spontanés
Dans les cas de traumatismes ou d’AVC, il peut y avoir
un diaschisis, une sidération de neurones sans lésion. En quelques heures,
jours ou semaines, la sidération se lève et tous les neurones retrouvent leurs
fonctions. On peut alors parler de « récupération »
puisque le patient récupère la totalité des circuits qui étaient les siens
avant l’accident. Ce type de progrès est limité dans le temps (en AVC, il
intéresse 50% de la population survivante. On considère qu’il n’excède pas un
mois. (HAS 2012) [1]
Progràs neurobiologiques par Utilisation . Neuroplasticité
Dans le cas où
il y a eu lésion neuronale, il y a aussi sidération. En fait il y a une extension de l’effet lésionnel au-delà du territoire
lésionnel puis après
quelques temps, il y a levée de la sidération. Mais cette fois la récupération neurobiologique
est incomplète Les neurones sidérés reprennent du service, mais les neurones morts
n’assurent plus. On peut faire le bilan des déficiences. Le patient a alors un
patrimoine neuronal réduit par rapport à ce qu’il était avant. Il est obligé
d’inventer des solutions nouvelles avec les neurones restants. Mais il va y avoir aussi remaniements des
structures neurobiologiques sous l’effet de la rééducation. (Yin 2013) [2], (Nudo 2013)[3]. Les progrès sont dus aux effets de la rééducation (voir
2.4) et aux actions que le patient mène pour accéder à son autonomie (voir plus
bas (2.2). Ces progrès d’auto-organisation ne sont pas limités dans le temps et
reposent principalement sur deux mécanismes :
- Synaptogénèse: l’activation ou la fabrication de nouvelles synapses avec les neurones restants.
- Synaptogénèse: l’activation ou la fabrication de nouvelles synapses avec les neurones restants.
- la vicariance qui met au « travail » des
neurones qui n’étaient pas précédemment dévolus à ce territoire
- la neurogénèse est pour l’instant anecdotique. Elle
existe de façon naturelle (mais limitée à quelques neurones spécifiques et dans
un temps de renouvellement très long : 1% en 100 ans)[4].
Dans tous les cas, ces circuits supplétifs, même
s’ils permettent des améliorations conséquentes sont loin d’apporter la qualité
de mouvement des circuits précédents.
Quand on prête de l’argent à
quelqu’un qui n’en rend qu’une partie, on ne dit pas j’ai récupéré mon
argent. On dit je n’en ai récupéré qu’une partie. Quand le patient parle de
« récupération », sans rajouter « partielle » on peut penser
qu’il sous-entend « comme avant ! ». Sans le contrarier, je préfère reformuler et
parler de progrès d’«amélioration». En revanche, il peut y
avoir une ambigüité sur la récupération de la « fonction » marche. La personne récupère la « fonction » marche, mais elle n’en « récupère »
pas la circuiterie qu’elle avait auparavant et sa façon de marcher
|
Ce n’est pas une re-éducation, elle ne
repasse pas par les mêmes chemins. Elle crée de nouveaux circuits. C’est en
fait une «Néo-Education». Cette nouvelle éducation se fait par compensation
qui a une connotation négative alors que l’« auto-organisation » (dont
on reparlera plus bas, 3.4) entraîne le patient dans une conquête spécifique. Compensation
fait référence à un manque et laisse un regret. L’auto-organisation est un mécanisme
positif individuel qui laisse la porte
ouverte à l’espoir.
II.2.3 Progrès d'Autonomie dans la vie Quotidienne (spontanés ou induits par l'équipe)
La personne cherche à retrouver son autonomie
(manger, boire, éliminer, toilettes, habillage, déplacements) Pour réaliser ces
progrès, elle peut mettre en place deux types de compensations :
-
La compensation
excluant le segment déficitaire (exemple elle coupe sa
viande d’une main avec un couteau fourchette ou bien elle se déplace en
fauteuil roulant sans ses jambes.
-
Ou bien elle met en place
une compensation incluant le
segment déficitaire dans un mode opératoire qui n’était pas le sien
auparavant. (Ex, elle tient sa fourchette en prise grasp pour couper la viande
de l’autre main, ou elle marche en fauchant avec sa jambe déficitaire.
Dans les premières semaines de son atteinte motrice, le patient se
rééduque à manger en mangeant, à se laver en se lavant et à s’habiller en s’habillant.
Ces situations ne sont pas conduites par des professionnels de la rééducation (ergo
ou kinésithérapeute), mais le plus souvent par des infirmières, aides-soignantes
voire auxiliaires de vie qui les aident et les encouragent à s’autonomiser pour
qu’elles puissent consacrer leur temps à d’autres patients plus dépendants. Le
patient se trouve pris dans une situation écologique où ses capacités
individuelles sont prises en compte dans une réalité collective de capacité du
service de soin.
Dans
certains cas, ces progrès spontanés d’autonomie ne se font pas car la personne
est dépressive. C’est l’équipe soignante qui va contenir le patient en l’aidant
à prendre sa part dans la reconquête de l’autonomie. Ce que Winnicott appelait
« holding » et « handling ».[5]
Progrès spontanés de reconditionnement à
l’effort.
Le personne frappée par une lésion
cérébrale ou médullaire, connait une période plus ou moins longue de sédentarité
qui entraine un déconditionnement à l’effort. (Learned non use. Taub 1994)[6] Cherchant à récupérer peu à peu son autonomie, la personne se
reconditionne ainsi spontanément à l’effort. (Amélioration du périmètre de
déplacement etc.)
II.2.4 Progrès artificiel de reconditionnement à l'effort
II.2.4 Progrès artificiel de reconditionnement à l'effort
On peut tenter d’enrayer « l’apprentissage du non usage » par
un reconditionnement avec des séances d’entrainement à l’effort au
cyclo-ergomètre incluant ou pas les segments déficitaires (II.2.3. compensations
excluantes). Le réentrainement artificiel à l’effort avec compensations
incluantes sera l’objet du chapitre suivant et sera plus largement développé
dans le chapitre III.
II.2.5 Progrès de rééducation motrice
passée la phase sub-aiguë, on peut considérer deux périodes dans l’évolution d’un patient chronique cérébrolésé :
- une phase d’amélioration de l’autonomie dans les Activités
de la vie quotidienne (AVQ) se laver, s’habiller, manger, se déplacer.
- suivie d’une phase de stagnation de ces capacités d’autonomie
Passée la période d’amélioration des AVQ, il
va falloir prendre des objectifs prophylactiques dans quatre secteurs dont nous
mesurerons l’évolution avec soin, afin de traquer les régressions éventuelles
qui ne manqueront pas de restreindre sa participation.
Nous
avons partagé nos actions thérapeutiques en quatre parties qui reposent
sur des objectifs et des moyens, des gestes professionnels spécifiques
- Perfectionnement ou entretien d'habiletés segmentaires
pour pallier à la
diminution de ses capacités motrices. Principalement axées sur les segments
déficitaires
- Etirements contre les rétractions musculaires et conjonctives articulaires.
- Education à l'équilibre postural pour entretenir ou acquérir et perfectionner un maximum de positions du répertoire locomoteur
- Etirements contre les rétractions musculaires et conjonctives articulaires.
- Education à l'équilibre postural pour entretenir ou acquérir et perfectionner un maximum de positions du répertoire locomoteur
- Entraînement au déplacement fonctionnel et performant en fauteuil ou debout, pour
entretenir voire améliorer vitesse et périmètre de Marche.
Ces
quatre problématiques correspondent à des gestes techniques d’évaluation et de traitement
que le kinésithérapeute connait. Dans
chaque secteur les performances sont encouragées et seront consciencieusement
notées. Elles constitueront le suivi méthodique des progrès, des stagnations et
régressions. Chaque patient ayant un profil
moteur particulier, il faut donc lui établir un programme particulier pour
effectuer un suivi longitudinal.
Essayons d’analyser
maintenant les facteurs pouvant influencer ces traitements.
II.2.6 Facteurs influençant l'état des patients après un traîtement . Effets placebo.
Dans son ouvrage sur les relations entre croyance et médecine",le professeur Autret [7] définit cinq facteurs influençant l’état
d’un patient.
-
l’évolution naturelle d’une maladie,
-
l’effet
biologique du traitement,
- « les facteurs non spécifiques :
- « les facteurs non spécifiques :
o Psychologiques : « dans le cadre d’une écoute bienveillante, le patient peut verbaliser ses soucis. Cet effet psychologique non spécifique est d’autant plus important que les contacts sont nombreux comme dans les thérapeutiques par le toucher ». (kinésithérapie)
o Comportementaux : « liés à l’amélioration consciente et volontaire de l’hygiène de vie à l’occasion de l’acceptation d’un nouveau traitement. »
Alain Autret précise un peu plus bas : « les psychothérapies sont des interventions volontaires orientées par une base théorique pour modifier un comportement ou un mode de pensée pathologique. L’effet psychologique non spécifique résulte simplement d’une prise en considération empathique du patient. Enfin, il faut réserver le mot placebo à l’attente d’effets bénéfiques liés à l’idée de recevoir un traitement précis et au conditionnement qui regroupe les effets bénéfiques liés à la répétition des procédures ».
- l’effet placebo lié à l’attente à l’idée de bénéficier d’un traitement donné. Cet effet placebo n’est pas purement « imaginaire », il est il est producteur d'endorphine et dopamine qui sont objectivées par l'admission de substances antagonistes naloxone
- l’effet placebo lié à l’attente à l’idée de bénéficier d’un traitement donné. Cet effet placebo n’est pas purement « imaginaire », il est il est producteur d'endorphine et dopamine qui sont objectivées par l'admission de substances antagonistes naloxone
o S’occuper
d’un patient est plus efficace que le mettre sur liste d’attente
o « L’annonce
conditionne aussi la qualité de l’effet placebo », des exercices de gymnastique
provoquent une amélioration psychologique dans le seul groupe où cet effet a
été annoncé.[8]
o La
complexité du traitement améliore son effet : plusieurs protocoles ont
montré que chez des personnes souffrant de douleurs articulaires, la perfusion placebo,
l’acupuncture placebo ou la crème placebo appliquée localement sont plus efficaces
que la pilule placebo ingérée per os.
o L’effet
praticien : « la façon de donner vaut mieux que ce que l’on donne » :
Sur
une population souffrant de vessies irritables, un traitement par pseudo-acupuncture
associé à une prise en charge empathique et chaleureuse était plus efficace qu’une
pseudo-acupuncture sèche, lui-même supérieur à une la simple évolution spontanée
de l’affection.
-
l’effet
placebo lié au conditionnement.
« Il
existe un deuxième effet placebo lié à la répétition, il n’est pas associé à
une attente consciente et ne dépend pas de la libération d’endorphine ».
« La répétition de l’administration (ou conditionnement) engage le patient
dans une activité rituelle. Face à la procédure répétée l’organisme a appris à
répondre favorablement. » (La rééducation motrice est un conditionnement).
L’effet placebo lié au conditionnement n'est pas opioïdergique. Un agent opioïdergique est une substance
chimique qui modifie directement les systèmes neuropeptidiques opioïdes
(endorphine, enképhaline, dynorphine, nociceptine) dans le corps ou le cerveau.
Les exemples incluent les analgésiques opioïdes tels que la morphine et les
antagonistes des opioïdes tels que la naloxone).
Comme le rappelle le professeur Autret: l'effet placebo lié à l'attente , l'effet placebo lié au conditionnement, l'effet non spécifique psychologique et comportemental ne doivent pas être confondus et mélangés dans un ensemble informel que l'on globaliserait sous le terme effet placebo.
-
L’effet placebo lié à l’attente est opioïdergique
et dopaminergique.
-
L’effet placebo lié au conditionnement n’est pas
opioïdergique
-
L’effet non-spécifique psychologique n’est pas
opioïdergique. Il est en relation avec les dysfonctionnements générant
l’anxiété qui implique d’autres neurotransmetteurs , telle la sérotonine.
-
L’effet non-spécifique comportemental fait
intervenir la réduction de multiples facteurs de risques. »
A
contrario, il évoquait aussi l’effet nocebo comme une annonce négative qui entraîne
une aggravation du désagrément ressenti.
Il s’agit donc pour le kinésithérapeute d’utiliser à fond mais sans
démagogie, tous ces facteurs qui viendront renforcer l’effet actif des exercices
physiques choisis pour la rééducation.
|
[1]
https://www.has-sante)..fr/portail/upload/docs/application/pdf/2012-11/11irp01_argu_avc_methodes_de_reeducation.pdf
[2] Yin, Y., Gu, Z.,
Pan, L., Gan, L., Qin, D., Yang, B., ... & Feng, Z. (2013). How does the motor relearning program improve neurological
function of brain ischemia monkeys?. Neural regeneration research, 8(16),
1445.
[3] NUDO, Randolph J.
Recovery after brain injury: mechanisms and principles. Frontiers in human
neuroscience, 2013, vol. 7.
[4]
De
Chevigny, A., & Lledo, P. M. (2006). La neurogenèse bulbaire et son impact
neurologique. médecine/sciences, 22(6-7), 607-613.
[5]
Winnicott,
D. W. (1956). La préoccupation maternelle primaire. De la pédiatrie à la psychanalyse, 1969, 285.
[6] Taub, E., Crago,
J.E., Burgio, L.D., Groomes, T.E., Cook III, E.W., DeLuca, S.C. and Miller, N.E.,
1994. An operant approach to rehabilitation medicine: overcoming learned nonuse
by shaping. Journal of the experimental analysis of behavior, 61(2),
pp.281-293.
[7]
Autret
A. Les effets placebo: des relations entre croyances et médecines. Editions
L'Harmattan; 2013.
[8]
Cité par Autret : Desharnais R, Jobin J, Côté C, Lévesque L, Godin GA. Aerobic exercise and the placebo effect: a controlled
study. Psychosomatic medicine. 1993 Mar.
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