mardi 16 avril 2019

III. PRATIQUE DE LA NEURO-REHABILITATION



(Détail des interventions : 8 chapitres : 1. Habilités Segmentaires, 2. Etirements, 3. Habilités Posturales, 4. Marche, 5. Parkinson, 6. Ataxie, 7. IMC. 8. Natation)

La chronicité commence tôt.

L’altération de la structure neuronale devient rapidement définitive. On va pouvoir la modifier dans les mois où les années qui suivent mais uniquement par synaptogénèse ou vicariance qui seront loin de restituer l’efficacité antérieure.

         La HAS nous rappelle que dans le cas de l’AVC La récupération optimale à six mois peut être pronostiquée dans les quatre premières semaines après l’AVC.
         Durant la première semaine post-AVC, l’absence d’émergence de synergie du membre supérieur sont associées avec un médiocre résultat à six mois. (HAS 2012)
On peut donc se poser la question : existe-t-il deux phases de rééducation neurologique : une phase où l’on pratique une rééducation puriste visant à « récupérer » le mouvement « normal » antérieur à la lésion et une phase où l’on permet la compensation qui nécessite forcément un deuil du patient.

Le mouvement compensé n’est pas le mouvement qu’on pensait. Il s’agit clairement de le réhabiliter et de déculpabiliser le patient en l’encourageant à l’utiliser pour retrouver l’autonomie la plus large dans les Activités de la Vie Quotidienne. (AVQ). Loin de tomber dans la facilité, la personne doit se lancer dans le mouvement compensé avec intensité. C’est cette intensité qui crée une compétition neuronale et favorise l’auto-organisation des synapses.
La personne compense ses déficiences en auto-organisant ses capacités motrices.

La chronicité dure longtemps

Après un certain délai, la personne ne gagne plus en autonomie dans les Activités de la Vie Quotidienne .
La question principale est : doit-on se contenter d’entretenir la personne chronique en l’état ou doit-on chercher à améliorer certains « détails » améliorables à 100% du possible même si ça ne se solde pas par une augmentation de participation (diminution du handicap). Si oui, alors partons à leurs recherches.  Tant pis si le recueil des habiletés segmentaires et posturales dure plusieurs heures. Le patient va garder ses restrictions de participation (handicap) toute sa vie,  faisons en sorte de diminuer ses limitations d’activités en augmentant  ses capacités.

Le « test critérié » pour les capacités segmentaires et posturales

« Donner une information sur la performance d’un patient en relation à un ensemble d’objectifs  à atteindre sans s’occuper des résultats obtenus par d’autres sujets. Le test critérié permet de diagnostiquer la maitrise d’un comportement particulier chez un apprenant. (Gatto Garnier Viel 2007) [1]. Nous utilisons largement cette mesure spécifique à chaque individu comme un moyen de progresser par connaissance du résultat.

Progression Segmentaire, Posturale, Marche .

On est parti d’une conception linéaire de la progression. Le renforcement segmentaire des 4 membres et du tronc  permet de tenir des postures, qui permettent d’acquérir la marche. Mais nous avons maintes fois remarqué  que des personnes qui n’avaient bénéficié d’aucun programme de renforcements segmentaires, avaient pourtant amélioré leurs capacités segmentaires en ne travaillant que la marche. C’est ce qu’Edgar Morin appelle une réaction récursive : « L’idée récursive est en rupture avec le processus linéaire cause-effet … ce qui est produit revient sur ce qui le produit  dans un cycle auto-constitutif, auto-organisateur  et auto-producteur. »[2]
  

Problématique du patient
Problématique d’évaluation partagée patient-kiné.
Problématique du soin : geste thérapeutique, technique
1.            Il constate la diminution ou la perte de capacités motrices segmentaires déterminées par la lésion. Ex : « J’ai du mal à ouvrir la main »
Au lieu d’évaluer les déficiences, le kiné cherche à évaluer l’ensemble des capacités segmentaires :  
 4 membres et le tronc en chaine ouverte.
En chaine fermée pour les membres supérieurs et inférieurs.
 Adresse pour la main dominante et les fonctions de main assistante.
L’encouragement à renforcer les Habiletés Segmentaires en utilisant les compensations. L’attention est mise sur la performance à réaliser (attention externe) et non sur le comment il fait. (Attention interne. G Wulf[3])
Programme d’entrainement cardio-respiratoire autour du membre déficitaire :  Puissance, résistance, endurance avec connaissance du résultat (CR).
  1. Les rétractions
consécutives à des amplitudes articulaires qui ne sont plus exploitées. Douleurs qui en découlent (Principalement dans les syndromes pyramidaux et extrapyramidaux)
Mesurer et porter à sa connaissance les amplitudes articulaires diminuées.
Douleur consentie : code d’évaluation douleur.
Massages, Etirements, Postures : l’attention est sur le relâchement respiratoire, face à la douleur provoquée par les manœuvres.
Travail sur l’hypoextensibilité, l’habituation, prophylaxie .
3.  L’équilibre et la peur de la chute. Le patient se réfugie dans des polygones de sécurité. Il a peur de découvrir de nouveaux polygones.
Recueillir toutes les Habiletés Posturales Possibles en reprenant la totalité du répertoire locomoteur du sol à debout. Même si c’est très long, il est important de répertorier les capacités de chacun.
Aménagement d’un espace de sécurité spécifique à l’initiation d’équilibres nouveaux.
Puis aménagement d’un espace de perfectionnement.
4. l’impossibilité ou la précarité de la marche ou du déplacement et peur de la chute
Mesurer le périmètre maximum et la vitesse maximale de marche ou de déplacement fonctionnel.
Aménagement d’un espace de sécurité spécifique à l’initiation d’une marche « performante ». On l’encourage à focaliser son attention sur la trajectoire et la performance plutôt que sur la façon de marcher. Connaissance du Résultat (CR)

 III.1. Apprentissage ou Perfectionnement des Habiletés Motrices  Segmentaires (4 membres et le tronc)

« Habileté segmentaire »
Nous définissons l’habileté segmentaire comme une séquence de mouvement extraite d’une posture fonctionnelle dont il faut aussi gérer l’équilibre global. (Exemple : s’appuyer sur sa main pour se relever. Comment appuie-t-il ? Sur la paume la première phalange ? Quelle force développe-t-il sur une balance ?
Par opposition à la rééducation analytique qui n’intéresse qu’une ou deux articulations en position assise ou couchée, le renforcement des habiletés segmentaires est orienté sur un membre en particulier en chaine ouverte ou fermée lors de la tenue d’une posture particulière.
La plainte du patient sur la motricité segmentaire.
Dans les atteintes pyramidales le patient se plaint de la perte d’un mouvement : « je ne peux pas ouvrir ou je bouge difficilement la main, (ou le pied) ». Le médecin évalue les déficiences et le kinésithérapeute rééducateur doit évaluer les capacités car l’apprentissage se fait à partir des réussites. L’échec révèle l’objectif à atteindre, la réussite évoque le moyen utilisé pour l’atteindre (ou pas).
Recherche d’Habiletés Segmentaires :
Nous cherchons à faire un bilan de capacités afin de déterminer les habiletés segmentaires initiables et les habiletés perfectibles. (Le processus de renforcement est une amélioration du savoir-faire (en affinant les synergies) avant d’être un renforcement du muscle par la répétition.)

C etexte écrit par un charpentier philosophe, pourrait entièrement s'appliquer à la neuro réhabilitation. 
"Puis j'ai commencé à avancer moi aussi debout sur les chevrons plutôt qu’à califourchon, à utiliser l'ensemble de mon corps en fonction de l'action à accomplir, à envisager la résistance probable du matériau, à anticiper les mouvements qu'il faudra éventuellement réaliser en urgence. Bref à développer une sorte de logique du geste qui se précise s'affine et s’ajuste avec le temps. Cette logique qui commande les gestes du métier mais aussi ceux du sport est strictement inverse à celle qui gouverne les corps en action sur les machines des salles de fitness. Il y a évidemment l'opposition entre un geste à vide et un geste productif mais il y a aussi une différence plus profonde, d'ordre fonctionnel : les machines de fitness ont pour unique finalité le développement de la musculature elles sont donc conçues pour susciter des gestes faisant travailler un ou plusieurs muscles identifiés en réduisant au minimum la part active de l'utilisateur afin qu'il se concentre sur le seul effort musculaire. Ainsi tournées vers le corps qu’elles placent dans une situation entièrement artificielle le produisent des efforts purs mais des gestes abstraits c'est-à-dire sans matière et surtout sans pensée.
Sur les chantiers à l'inverse c'est le corps qui épouse l'action à réaliser. Le geste s'organise en fonction d'elle et trouve dans le corps lui-même à tâtons et à force de répétition, la logique de sa propre efficacité." [4]




[1] Gatto F, Garnier A, Viel É. Education du patient en kinésithérapie. Sauramps médical; 2007.
[2] Edgar, Morin (1990). Introduction à la pensée complexe. ESF, Paris.
[3] Wulf, G. (2007). Attention and motor skill learning. Human Kinetics.
[4] Lockmann A. la vie solide. La charpente comme éthique du faire. Payot 2019.

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Qui êtes-vous ?

Francis Laurent Kinésithérapeute à Bordeaux Enseignant en neurokinésithérapie dans les écoles de Bordeaux, Bègles, Dax, Poitiers et DU Paris Est Créteil. Formateur pour Mulhouse Alister et Bordeaux FCS http://www.alister.org/formations/reeducation_kinesitherapie_hemiplegie_chronique Bordeaux http://www.fcsante.org/programmes/hemiplegies.pdf