Le point de vue du kiné.
J’ai travaillé en
rééducation neurologique en court séjour à l’hôpital, en moyen séjour en centre
et en libéral. Dans ces trois modes d’exercice j’ai toujours manqué de temps
pour faire à chacun la rééducation qui conviendrait. Mon choix n’a jamais été
de faire l’impasse sur des patients pour mieux répondre à certains. A l’hôpital
comme en centre, j’ai tenté de répondre à
toutes les demandes. J’ai dépassé parfois les 35 actes par jour en 8 heures.
Soit beaucoup plus qu’en libéral en 10 heures et demi quotidiennes.
A l’hôpital comme en centre il semble
nécessaire afin de favoriser l’apprentissage de faire des séances collectives
qui assureraient un tronc commun d’exercices rééducatifs ou prophylactiques
nécessaires. Ensuite on peut compléter par des exercices spécifiques en séances
individuelles.
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Le point de vue du patient.
Les patients ont la
conviction que la rééducation doit leur enseigner le « mouvement
correct ». Le kinésithérapeute est ce « professeur de gymnastique
médicale » qui va répondre à cette demande. (II.3.15). Ce type de séance répond à cette attente du patient. C'est la "gymnastique suédoise" de Pehr Henrik Ling [1] adaptée à la Neurologie. L'attention est focalisée sur le mouvement déficitaire. On est dans la morphocinésie, (II.3.2) on s'applique à corriger la forme sans la fonction.
Certains patients croient réaliser des "gainages abdominaux" ou des « abdo-fessiers » (fleuron des salles de sports) ou du stretching. Mais comme le disait Beevor, le cerveau ignore le muscle, il ne connait que le mouvement. Alors d'autres préfèrent y voir du « pilates » ou du hatha yoga.L'objectif est de refaire l'inventaire des points d'appuis et postures. Chaque patient ensuite compose sa mayonnaise motivante.
L’idéal serait d’avoir des groupes de niveau, mais la pratique libérale et les emplois du temps des patients et des transporteurs ne permettent pas de faire des groupes homogènes. Il a donc fallu construire deux types de groupes : ceux qui marchent et ceux qui sont en fauteuil.
Certains patients croient réaliser des "gainages abdominaux" ou des « abdo-fessiers » (fleuron des salles de sports) ou du stretching. Mais comme le disait Beevor, le cerveau ignore le muscle, il ne connait que le mouvement. Alors d'autres préfèrent y voir du « pilates » ou du hatha yoga.L'objectif est de refaire l'inventaire des points d'appuis et postures. Chaque patient ensuite compose sa mayonnaise motivante.
L’idéal serait d’avoir des groupes de niveau, mais la pratique libérale et les emplois du temps des patients et des transporteurs ne permettent pas de faire des groupes homogènes. Il a donc fallu construire deux types de groupes : ceux qui marchent et ceux qui sont en fauteuil.
Chacun des deux groupes suit la même progression, c’est le rythme de la
séance qui change. Mais on peut avoir dans le même groupe des personnes avec
des atteintes pyramidales, extra-pyramidales ou ataxiques. Chronologiquement
nous avions commencé par des séances de groupe avec les extra-pyramidaux et les
ataxiques car la présence des hémiplégiques cassait le rythme de la séance au
moment où l’on arrive à la position 4 pattes.
Puis, à cause des contraintes
d’horaires et de pluridisciplinarité, nous avons été forcés d’y
intégrer des hémiplégiques. Nous avons alors façonné la séance pour que tous
les exercices effectués intègrent, « incorporent » à la posture travaillée le membre supérieur
déficitaire habituellement délaissé . Selon les exercices,
il faut adapter l’espace pour que le groupe puisse faire le même type d’ exercice
au même moment
Couché sur le dos: on débute la séance systématiquement sur
le dos les mains accrochées à l’espalier et l’on commence par des mouvements de
jambes, en abduction, genoux tendus.
Chandelle avec appui des pieds |
- puis chandelle (avec appui à l’espalier si nécessaire),
- - puis chandelle (avec appui à l’espalier si nécessaire),
-
Exercice de french cancan en pont. On décolle le bassin et on lance l’autre
jambe le plus haut possible.
Retournement et travail latéral.
Couché sur le côté o en appui sur coude (Atelier 4)
Grands mouvements de membre inférieur en avant en arrière du tapsi, lesté ou pas à la cheville, croisé ou pas avec le membre supérieur.
A plat ventre,
extension du tronc, des membres supérieurs et inférieurs. L’idée est de bouger au sol, en variant les points d’appui.
Assis, étirements des membres inférieurs (Répertoire )
4 pattes. (Atelier 6) Suivant le niveau et la qualité des appuis on demande de faire des ruades : détendre 10 fois le membre inférieur afin de provoquer une déstabilisation extrinsèque.
Puis le membre inférieur
ipsilatéral . Il est évident que ces exercices n’ont pas d’application
fonctionnelle directe. Nous ne les considérons pas comme des « habiletés transversales »
que l’on pourrait utiliser ensuite dans des mouvements debout.. Dans ce type
d’exercices nous recherchons des habiletés « morphocinétiques ». Le
patient cherche à reproduire la forme du geste. Il n’y a pas d’autre objectif
que de faire « joli ». Cela flatte ainsi sa recherche du mouvement
correct. Ces exercices ne sont là que pour passer du temps à quatre pattes,
cette position incontournable lors des chutes avant et des relever du sol. Travaillant
ces multiples figures, le patient renforce ainsi ses capacités d’appui sur paume
de main.
Ceux qui ne peuvent
prendre appui sur leur paume de main, le font sur l’avant bras et ceux qui n’y parviennent
pas,(hémiplégiques ou hémiparétiques) s’exercent à pousser une tonne d’appui sur la
balance (100 poussées de 10 kg ou plus) , pour renforcer les tissus conjonctivo-musculaires
de leur membre supérieur déficitaire.
Appui Facial, Mowgly Marche de l'ours ou du petit chien (Atelier
7)
Ces exercices ont pour
but de renforcer l’appui sur les membres thoraciques afin de rendre les protections
à la chute et les actions de relever plus efficaces. On demande des faire des
pompes adaptées : poser les genoux au sol et les tendre ou poser le bassin
au sol et le décoller ou poser la tête au sol et décoller. Si ce n’est pas
possibles sur les mains, on relève l’appui des mains ou ils essaient de les faire
sur les avant-bras.
Trépied
sur pied : Puis afin de créer des déséquilibres intrinsèques
on propose de faire 10 flexions-extensions d’un membre inférieur pour renforcer
l’appui sur avant pied, et sur les deux membres supérieurs.
Appui dorsal ou Araignée.
Afin de favoriser les protections arrières en cas de chute, il est intéressant de renforcer égalemement la position Araignée. Assis décoller le bassin, se déplacer en avant arrière, à droite à gauche
Enfin,il est intressant de les mettre entièreemnt en charge sur les mmembres supérieurs (ci-contre à droite)
Beaucoup d’hémiplégiques
massifs parviennent à tenir leur équilibre sur les deux avant-bras voire sur les mains pour ceux qui ont retrouvé une motricité suffisante.
Suspensions totale ou partielle (paresseux). (Atelier 8)
L’être humain nait avec la capacité de se suspendre par ses mains (grasping). Il est donc intéressant de vérifier que cette capacité est toujours réalisable en demandant à la personne de se pendre face à l’espalier.
Les plus forts pourront réaliser des tractions statiques. D’autres
seront même capables d’avancer en « singe » sous les mains (brachiation)
Pour les moins forts on peut recourir à la position dite du
« paresseux ». Le paresseux a les pieds et mains accroché à la même
branche. Ici on permet de laisser les pieds au sol. Il s’accroche par les mains
à une échelle horizontale et décolle son bassin en poussant sur ses pieds. On
peut demander alors un décollement simple du bassin, des tractions ou des déplacements latéraux.
Ceux qui ne peuvent tenir
serrée la barre dans leur paume de main, (hémiplégiques) s’exercent à tirer une tonne d’appui au dynamomètre
(100 tractions de 10 kg ou plus) , pour renforcer les tissus conjonctivo-musculaires
de leur membre supérieur déficitaire.
A genou et Amazone (Atelier 10)
A genou est souvent la première position de bipédie : les pyramidaux
ne sont pas gênés par l’équin spastique. Les ataxiques sont près du sol. Le
bassin est horizontal, le tronc se connecte aux cuisses. On pourra ainsi se
risquer à avancer ou reculer ou pivoter en bipédie.
Amazone : on
part de la position « petite sirène », assis latéral en appui sur la
main et on retire la main. Il faut une bonne souplesse de la dissociation des
ceintures et une bonne intervention de la musculature haubanant le tronc au
bassin.
Chevalier servant, (Atelier 11)
Trop souvent le chevalier
servant est considéré comme la position servant à se relever. Seuls les jeunes
peuvent se relever ainsi. Les déficitaires pyramidaux, extra-pyramidaux ou
ataxiques sont le plus souvent trop faibles pour se relever ainsi. (Voir plus
haut III.3.5) On considère le chevalier servant comme une position de descente
au sol et non comme une position de redressement (Voir III.3.3). C’est une position
qui permet de poser un genou à terre lors d’une descente ou chute latérale (Voir
plus haut III.3.4).
Il est donc important
de retrouver ou d’entretenir cet équilibre sur chaque genou, puis de travailler
l’extension du tronc et l’avancée du bassin, les rotations du tronc.
Accroupi (Atelier 12)
La position accroupie est souvent douloureuse pour les genoux. Il est
pourtant nécessaire que les patients s’y réexercent ! « Mais ça me
fait mal !
-c’est justement
pour cela qu’il faut la travailler. Est-ce normal que votre corps ne vous supporte
plus ! Ce n’est pas neurologique, c’est articulaire. Il faut donc retravailler
la souplesse articulaire dans cette position. Sinon, vous la shunterez en chute
arrière et vous tomberez droit comme une planche et ça fera très mal à la
nuque. Le cerveau va restreindre votre locomotion afin de ne pas vous mettre
dans cette situation. « Le cerveau a ses raisons que la raison
ignore »[2].C’est pour cela qu’il faut
retourner travailler accroupi. »
Relever et descentes au sol
-
en avant tomber sur les genoux, puis mettre
les mains et se relever par le chemin inverse
-
En arrière s’accroupit et s’assoit en mettant
une main en arrière, et se relève par le
chemin inverse
-
latérale
poser le genou droit au sol , puis la main droite puis la fesse droite et se relever par le chemin inverse. Idem à
gauche.
Debout pieds écartés (Atelier 15)
Le polygone mesure
environ 1000 cm² avec 15 cm entre les talons. (Atelier de Position 15). C’est
la station debout, la position finale du redressement. Mais ce n’est pas une bipédie
dynamique. C’est une bipédie statique qui n’est là que pour préparer la
position suivante. On prépare l’unipodal par
l’Ajustement Postural Anticipateur (APA) transfert latéral du bassin (hancher,
flexion du genou, flexion plantaire fente)
Debout sur polygone de marche, un pied devan tl'autre (Ateleir 16)
(Atelier de Position 16). Le polygone mesure environ 600 cm² avec moins d’
1 cm entre les talons et une longueur entre talon arrière et pointe avant d’environ
75 cm. (Longueur du pas,).
C’est la photo instantanée
du double appui antérieur de réception (heel strike ) et du double appui
postérieur d’élan (Heel off). On vérifie que le patient a bien la capacité de
tenir mécaniquement sur ces appuis. Dans
le cas où il n’y parvient pas, on se sert de ce répertoire de positions pour
lui faire prendre conscience de son incapacité. Exemple, il peut attaquer 10
fois du talon mais à la onzième fois, son avant-pied s’affaisse et deux ou trois
attaques plus tard, il est dans ‘incapacité d’attaquer du talon. Il va donc
chercher à s’entrainer pour récupérer la capacité d’attaquer du talon
normalement » (C’est-à-dire des milliers de fois sur une promenade d’une
heure). Il va constater alors ce qui sépare la réhabilitation neurologique de
la représentation qu’il avait de la rééducation (essentiellement traumatologique).
Il constate ce qui sépare le défaut de
la déficience. Il constate que sa répétition corrigée du mouvement est limitée
en quantité. Sa perte neuronale l’empêche de multiplier à l’infini l’attaque du
pas pour atteindre l’automatisation.
Ces exercices sont
faits pour qu’il prenne conscience du nombre de fois qu’il peut réaliser la
consigne. Donc contrairement aux pratiques habituelles de kinésithérapie, ces exercices
sont faits pour qu’il prenne conscience de
son incapacité à automatiser la correction. Au-delà de quelques répétitions
il ne peut plus dérouler son pas « correctement ». On lui a donné des
éléments pour cheminer dans son processus intime de deuil. Pour le rendement de
ses déplacements il vaut mieux qu’il s’abandonne à l’auto-organisation de sa marche.
Mais restera le discours de l’esthétique. Certains patients
croient gommer leur incapacité et peut-être vaut-il mieux leur laisser leur
illusion de correction.
Unipodal (Atleir 17)
L’équilibre unipodal
apparait après la marche chez l’enfant. Mais il est important de le travailler
chez l’adulte déficitaire afin de le mettre en charge. Nous avons développé
toute une suite d’habiletés qui visent à mettre progressivement le nombril au-dessus
du pied déficitaire. (. Voir plus bas III.3.9. Aménagements particuliers pour acquérir
l’équilibre unipodal. Atelier 17
Cloche pied (Atelier 19)
Le cloche-pied apparait
tardivement chez l’enfant : 4 ans pour le premier, 5 ans pour le second, il
sera aussi le premier à disparaitre chez la personne âgée ou le parkinson.
III.3.7 Espace de rééducation à l'équilibre
Technique habituelle du kinésithérapeute
pour empêcher la chute :
c’est une technique implicite. Dans la plupart des cas, le kiné place le
patient dans des barres parallèles et l’encourage à se lâcher en faisant
barrage de ses bras en avant et en arrière. C’est la technique que j’utilisais
jusqu’au jour où un malencontreux appel m’a fait tourner la tête une fraction
de seconde, quand je revenais vers mon patient, celui-ci tombait vers
l’arrière. J’ai lancé mes mains dans le vent et le patient est tombé
assis : fracture tassement de la 5ème lombaire. J’ai donc
décidé que puisque je n’étais pas fiable, j’allais créer un espace où le
patient ne ferait confiance qu’à lui, et s’il échoue, il faut que la chute ne
soit pas dangereuse afin de pouvoir retenter l’expérience.
Postures d’équilibre et Feed Back : Il existe bien des instruments posturaux qui sont utilisés tant pour le
diagnostic que pour le jeu. Mais ce sont des outils pour travailler la bipédie.
(Posturographe, Wii, etc.) Mais ils ne concernent que les patients qui savent
déjà tenir debout. Ce sont des outils de perfectionnement qui utilisent en feed
back une attention ciblée sur l’écran ou une cible. C’est une attention externe,
sauf qu’au lieu de lui apprendre à trouver un équilibre compensé par le regard
fixé sur un point fixe, on le conditionne à faire confiance à la machine plutôt
qu’à son regard pointé sur une cible. Est-ce une étape utile ?
Très différente est
l’orthèse de Bon Saint Come[3] car
dans ce cas l’attention est directement focalisée sur la cible et la personne
ne contrôle pas les moyens qu’elle utilise. La personne gagne du temps car sa
motricité est d’emblée automatique.
Ces outils sont des
outils de perfectionnement mais ils ne nous disent rien sur la façon dont le
patient a initié sa bipédie.
[1] Ling PH, Rothstein H, Roth M. The gymnastic free exercises of PH Ling. 1853.
« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » -Blaise Pascal 1623-1662 - les pensées.-
« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » -Blaise Pascal 1623-1662 - les pensées.-
[3]
De
Seze, M., Wiart, L., Saint-Côme, A. B., & Barat, M. (1998, January).
Rééducation des troubles du tonus postural de l'hémiplégique vasculaire. Étude
contrôlée orthèse de rotation axiale du tronc contre rééducation traditionnelle.
In Annales de readaptation et de medecine physique (Vol. 41,
No. 6, pp. 335-336). Elsevier Masson.
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