III.3.7. Espace
de rééducation à l’équilibre
Technique habituelle du kinésithérapeute
pour empêcher la chute :
c’est une technique implicite. Dans la plupart des cas, le kiné place le
patient dans des barres parallèles et l’encourage à se lâcher en faisant
barrage de ses bras en avant et en arrière. C’est la technique que j’utilisais
jusqu’au jour où un malencontreux appel m’a fait tourner la tête une fraction
de seconde, quandmon regard revint vers mon patient, celui-ci tombait vers
l’arrière. J’ai lancé mes mains dans le vent et le patient est tombé
assis : fracture tassement de la 5ème lombaire. J’ai donc
décidé que puisque je n’étais pas fiable, j’allais créer un espace où le
patient ne ferait confiance qu’à lui, et s’il échoue, il faut que la chute ne
soit pas dangereuse afin de pouvoir retenter l’expérience.
Postures d’équilibre et Feed Back : Il existe bien des instruments posturaux qui sont utilisés tant pour le
diagnostic que pour le jeu. Mais ce sont des outils pour travailler la bipédie.
(Posturographe, Wii, etc.) Ils ne concernent que les patients qui savent
déjà tenir debout. Ce sont des outils de perfectionnement qui utilisent en feed
back une attention ciblée sur l’écran ou une cible. C’est une attention externe,
sauf qu’au lieu de lui apprendre à trouver un équilibre compensé par le regard
fixé sur un point fixe, on le conditionne à faire confiance à la machine plutôt
qu’à son regard pointé sur une cible. Est-ce une étape utile ?
Très différente est
l’orthèse de Bon Saint Come[1] car
dans ce cas l’attention est directement focalisée sur la cible et la personne
ne contrôle pas les moyens qu’elle utilise. La personne gagne du temps car sa
motricité est d’emblée automatique.
Ces outils sont des
outils de perfectionnement mais ils ne nous disent rien sur la façon dont le
patient a initié sa bipédie.
III.3.8. Servo-motricité : « Aménagement
Matériel du Milieu » [2]
appliqué à la Neuro-réhabilitation : la « cage
qui libère »
Le concept d’aménagement matériel du milieu
a été créé dans un cadre d’enseignement physique avec des enfants sans lésion
neurologique. A l’exception de
l’orthèse de Bon Saint Côme (Wiart, Bon Saint Come 1997)[3], et
des différentes machines à marcher (Gait trainer) qui apparaissent au début des
années 2000, l’espace de neuro-rééducation se ramène au tapis pour les
positions couché, au podium Bobath pour assis, à l’espalier et aux tables à
verticaliser, stand up et barres parallèles
pour la position debout. La plupart du temps on essaie d’accommoder les patients
à l’espace de rééducation existant (Nierat, 2005)[4]. Quand nous avons créé cet aménagement du milieu pour des personnes
souffrant d’affections neurologiques centrales, nous l’avons appelé « servo-motricité »
-
à cause de l’homophonie avec l’origine
de la lésion
-
et pour signifier que la motricité du
patient est asservi à un espace particulier.
Dans le texte des experts à la conférence de consensus (HAS, ANAES, 2004)
au chapitre intitulé la «cage de servomotricité» (ci-dessus) nous précisions
que :
« L’assistance
motrice individualisée procure le bon espace au bon moment. Le patient
échafaude lui-même sa statique et son déplacement sans s’appuyer sur le kinésithérapeute.
Cet espace permet d’inventer des solutions d’équilibre propres à chacun et
permet le travail en groupe. Le groupe permet des séances longues, renforce les
modes d’apprentissage par imitation et permet de relativiser les échecs individuels.
Pour cela, il faut que le patient s’exerce dans un espace qui permet à sa motricité
de s’exprimer en toute sécurité ».
Huong en 2009 définissait la notion d’espace
restreint dans la rééducation des cérébro-lésés. [5] :
« En partant du postulat que ce qui
empêche un patient de se mettre debout, de tenir debout, c’est bien au départ cette
appréhension de chuter et de se blesser, on peut restreindre volontairement un
espace pour qu’il puisse l’utiliser pour, se positionner, se repérer et se
rattraper. »
La cage de servo-moticité est devenue en
2010 la cage qui libère[6], car
elle libère le patient de la peur de tomber et le kinésithérapeute de devoir
faire barrière de son corps. .Le kinésithérapeute enlève ses mains du patient et
c’est le patient qui construit lui-même son équilibre dans un espace spécialement
conçu pour son niveau d’appréhension et de contrôle (avec harnais si
nécessaire). Nous introduisons ainsi la notion de « volume maitrisé ».
Dans ce volume créé pour lui, le patient se sent en sécurité et peut tenter d’explorer
ses capacités qu’il va auto-organiser pour maitriser son équilibre. Ce volume spécifique n’empêche pas la chute,
mais il l’arrête avant qu’elle soit douloureuse (afin de lever l’inhibition
d’action. Laborit, 1980)[7]
.
Comme on l’a vu
plus haut (II. 3 11) Selon la théorie constructiviste de Piaget, il y a assimilation de l’espace à ce que la
personne connait déjà puis accommodation de ses perceptions et de
ses effecteurs à la nouveauté.
Quand la position sera acquise, on pourra passer à une situation plus difficile
selon une progression des difficultés. (Théories béhavioriste des « petites
marches ») On voit là notre adhésion à la pensée complexe puisqu’on utilise
deux théories qui pour certains sont contradictoires et que l’on juge ici complémentaires.
Assis lié (Atelier 1)
Les mains sont moulées sur une
barre qui s’accroche sur l’espalier et peut être décrochée à tout moment. Il y
a une prise en « trapéziste » accrochée d’un côté à la barre et de l’autre
au poignet pour soulager la traction sur les doigts qui ont tendance à lâcher la
prise au début. On peut commencer par assis « tailleur » pour développer
par la suite des auto-postures d’étirements des adducteurs avec attelles
cruro-pédieuses maintenues par des cordes avec tendeurs. On mesure la longueur entre
les talons.
Retournements en pente (Atelier 2)
Afin de favoriser l’initiation du retournement, on place le
tronc sur une pente latérale à 45°. On baissera progressivement la pente. L’idée
est d’initier des réussites pour les perfectionner ensuite
Suspensions progressives.
Appui facial oblique (Atelier 7)
Lorsque la personne a des capacités d’extensions réduites sur le poignet et ou le coude, il lui est impossible de se tenir à 4 pattes. En la plaçant sur un plan oblique on soustrait de la force d’appui aux membres supérieur et la personne peut alors découvrir la quadrupédie et passer peu à peu de accroupi à couché à plat ventre.
Initiation à la
position A genou en volume restreint par appuis postérieur et antérieur. (Atelier 9 et 12)
Debout Bassin Contre-Appui, tronc libre : Atelier 10.2
Dans l’atelier précédent le tronc était en appui fermé par l’épaule ou la main. Dans cet atelier, le tronc est en appui sur le bassin et doit donc s’arrimer à celui-ci.
Initiation à la position debout en volume restreint par appuis postérieur et antérieur.
Découverte de l’équilibre debout en appui postérieur, puis debout en appui antérieur.
Puis passage progressif de l’un à l’autre avec les mains. Puis sans les mains. Enfin essayer de garder l’équilibre au milieu.
Debout tronc contre appui latéral 5-4-3-2-1 partez ! (Atelier 11.1)
D’abord mettre la
personne en sécurité pour qu’elle accepte de se mettre TOTALEMENT en charge sur
le pied déficitaire.
5 appuis ! Pour
cela on utilise le coin d’espalier :
Afin de découvrir la capacité de s’appuyer sur le membre déficitaire,
on met le patient dans un coin d’espalier, en appui dorsal, la main droite déficitaire
sur le barreau, la main gauche valide
sur le barreau côté déficitaire, dans un premier temps le pied valide à gauche
bipodal normal. Ainsi on rassure la personne en lui faisant éprouver l’impossibilité
de tomber à droite côté déficitaire. Elle accepte alors de passer son pied valide
à droite (bipodal croisé) pour amener totalement son poids sur son pied déficitaire.
4 appuis !
On demande ensuite de quitter l’appui dorsal.
On demande ensuite de lever
le pied valide, la personne se trouve alors totalement en charge sur le pied
déficitaire. On peut demander des mouvements de balancier pendulaire au membre
inférieur valide. On peut demander aussi des déverrouillages de genou porteur
par avancée du bassin, flexion légère extension pour contrôler l’appui
déficitaire.
2 appuis ipsi-latéraux
hauts! (Atelier 11.2)
On demande ensuite de lâcher la barre de la main valide et de rester focalisé sur l’équilibre ipsilatéral membre supérieur et inférieur. On demande ensuite à la jambe valide de travailler en phase pendulaire.
On demande ensuite de lâcher la barre de la main valide et de rester focalisé sur l’équilibre ipsilatéral membre supérieur et inférieur. On demande ensuite à la jambe valide de travailler en phase pendulaire.
2 appuis ipsi-latéraux bas! (atelier 11.2) tronc + Bassin + cuisse libre
Plus on baisse le contre appui, plus on met de segments et de snergies en jeux.
2 appuis sur le membre inférieur droit ou gauche. On débute avec u contre papui à hauteur du bassin et on ve progrssivement descendre le contre appui.
2 appuis sur le membre inférieur droit ou gauche. On débute avec u contre papui à hauteur du bassin et on ve progrssivement descendre le contre appui.
1 appui !
Puis on demande à la personne d’osciller entre appui bipodal et appui unipodal épaule déficitaire afin de passer par l’équilibre unipodal.
Enfin on lui demande de tenir l’équilibre en essayant de laisser le fil à plomb au-dessus du pied.
Enfin on lui demande de tenir l’équilibre en essayant de laisser le fil à plomb au-dessus du pied.
III.3.10. Aménagement de
mini-cages de perfectionnement individuel dans un espace collectif
Lorsqu’il arrive dans la salle de kinésithérapie, le patient se met de suite
au travail dans un espace d’exercices individuels sécurisés. Il peut s’exercer
seul et en même temps discuter et demander conseils aux autres. Cette
confrontation peut parfois contribuer à faire bouger certaines représentations
qui font obstacle à l’apprentissage. (Socioconstructivisme. Vygotski)
Conclusion de la rééducation posturale
C’est dans la partie
« éducation posturale » que le mot « rééducation » place le
kinésithérapeute dans une posture particulièrement pédagogique. Il adopte tour
à tour
- des techniques constructivistes lorsqu’il
aménage l’espace pour l’adapter au volume de sécurité du patient
- béhavioristes pour le fractionnement
du redressement et la répétition de séquences de changements de positions
- ou socioconstructiviste lorsqu’il crée
des groupes de niveaux pour jouer sur les interactions entre individus.
Mais c’est surtout
la traçabilité qui est importante. Le répertoire locomoteur détaillé permet au duo
kiné-patient de visualiser l’itinéraire d’amélioration adopté. Sans traçabilité,
les progrès sont invisibles, les progrès sont tellement « naturels »
que patient et kiné ne se rappellent plus qu’il ne le faisait pas.
[1]
De
Seze, M., Wiart, L., Saint-Côme, A. B., & Barat, M. (1998, January).
Rééducation des troubles du tonus postural de l'hémiplégique vasculaire. Étude
contrôlée orthèse de rotation axiale du tronc contre rééducation traditionnelle.
In Annales de readaptation et de medecine physique (Vol. 41,
No. 6, pp. 335-336). Elsevier Masson.
[2]
Famose,
J. P., Hébrard, A., Simonet, P., & Vivès, J. (1979). Contribution de
«l’aménagement matériel du milieu» à la pédagogie des gestes sportifs individuels. Compte rendu de fin d'étude d'une
recherche financée par la DGRST. Paris: INSEP.
[3] Wiart L, Saint Côme
AB, Debelleix X, Petit H, Joseph PA, Mazaux JM, Barat M. Unilateral neglect
syndrome rehabilitation by trunk rotation and scanning training. Archives of
physical medicine and rehabilitation. 1997 Apr 1;78(4):424-9.
[4]
NIERAT MC,
MASTROLIA-GAYDON D, VILLANOVA O, RHEIN F, MIRETE A, BOUVET N, VERJAT E, MALKA
F, LESECHE L, GOURLAIN R, FOUBERT L. Les ateliers pluridisciplinaires de développement
des habiletés motrices. Kinésithérapie scientifique. 2005(451):23-35.
[5]
Huong, N.
V. (2009). Posture et notion d’espace restreint chez le patient cérébro-lésé. Kinésithérapie,
la revue, 9(95), 30-34.
[6] Conrard, S. Les kinésithérapeutes sont plus thérapeutes
que pédagogues Kiné Actualité. 6 mai 2010
[7]
Laborit,
H. (1979). L'inhibition de l'action:
biologie, physiologie, psychologie, sociologie. Masson;[Montréal]: Presses
de l'Université de Montréal.
[8]
Tardieu,
C. (2012). Comment nous sommes devenus bipèdes: le mythe des
enfants-loups. Odile Jacob.
[9]
Picq, P. (2016) Premiers Hommes Flammarion
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